J’ai connu Jack Schmidely en 1967, alors que je venais de m’inscrire en philologie espagnole, à l’Institut Hispanique de la rue Gay-Lussac. Il y était alors assistant. Je participais plus tard  avec lui au séminaire de linguistique de Bernard Pottier. Jack Schmidely, qui enseignait alors à l’Université de Rouen,  nous impressionnait, car, dans ce séminaire, il était le seul à tutoyer le maître quand il se confrontait à lui, toujours amicalement. Je fus nommé ensuite professeur à l’université de Caen. Nous avons alors beaucoup collaboré, car notre « DEA » était partagé entre les deux universités de Normandie et nous formions ensemble des jurys de soutenance.  Ces échanges m’ont permis de bien connaître l’université de Rouen et beaucoup d’élèves et disciples de Jack Schmidely, à commencer par José Vicente Lozano, son successeur qui  a organisé en 2015 un congrès de notre association Libero en son honneur. 

 

Schmidely était un romaniste et ses nombreux travaux  comportent tous une approche comparatiste, avec le français, le portugais et l’italien, notamment.  C’est ce qui l’a conduit à écrire l’ouvrage De una a cuatro lenguas dont nous parlons plus bas.

 

Sa carrière fut longue : il avait commencé à enseigner très jeune et avait eu pour élèves, au lycée Carnot de Paris, Jean Canavaggio et Bernard Gilles ! Le temps de l’année scolaire 1949-1950.

 

Son activité de chercheur s’est poursuivie jusqu’au bout et je retiens sa présence au Colegio de España, le 25 novembre 2019, pour la présentation d’un volume collectif auquel il avait contribué. Tout son humour et sa gentillesse étaient restés dans son regard inoubliable et dans sa voix. Son humour apparaît également dans ses écrits : spécialiste reconnu partout en matière de morphosyntaxe espagnole (et romane), ayant travaillé tout au long de sa carrière sur la question de la monstration, de la déixis, des démonstratifs, il concluait dans son dernier article  consacré à l’expression « eso es » : « Par rapport au français, la langue espagnole se révèle généreuse quant à la monstration, une générosité positive pour le locuteur qui dispose d’un large choix de possibilités, générosité plus embarrassante pour l’analyste qui tente d’interpréter l’option retenue ». Suivons donc l’exemple de Jack Schmidely qui étudiait attentivement les choses, tout en gardant un regard critique, même sur ce qu’il faisait.

 

De son abondante production scientifique, retenons trois œuvres de choix : La Personne grammaticale et la langue espagnole, Publications de l’Université de Rouen et Paris, Editions Hispaniques, 1983 ; Etudes de morphosyntaxe espagnole, Université de Rouen, Les Cahiers du CRIAR, n°13, 1993 ; en collaboration avec Manuel Alvar Ezquerra et Carmen Hernández González, De una a cuatro lenguas. Intercomprensión Románica :   del español al portugués, al italiano y al francés, Madrid, Arco/libros, 2ème édition actualisée, 2016.

 

Ce dernier ouvrage, que Jack Schmidely a écrit et coordonné au sein d’une équipe de romanistes, s’appuie sur l’unité de la Romania et la comparaison entre les langues. Cette position n’a cessé d’animer sa recherche.

 

Au moment où Jack Schmidely est parti rejoindre son épouse, et au nom de tous ses amis et collègues, j’adresse aux enfants et petits-enfants de Jack l’expression de toute ma peine, accompagnée d’un vif sentiment de gratitude .

 

Bernard Darbord